2 octobre 2005 7 02 /10 /octobre /2005 14:00

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H
La conscience est une partie de notre vie mentale beaucoup plus petite que nous n’en sommes conscients, parce que nous ne pouvons pas être conscients de ce dont nous n’avons pas conscience… C’est comme si on demandait à une torche électrique dans une pièce noire de rechercher quelque chose sur laquelle ne brille aucune lumière. La torche électrique, étant donné qu’il y a de la lumière dans quelque direction où elle se tourne, ne pourait que conclure qu’il y a de la lumière partout. Ainsi, on peut avoir l’impression que la conscience se retrouve dans tous les processus mentaux alors qu’en fait il n’en est rien.
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Tout livre traitant du domaine de l'esprit humain devrait ressembler à celui de Jaynes, devrait notamment faire preuve de cette qualité que je ne puis décrire autrement que de " poétique " : la capacité pour un auteur de vous surprendre par le récit, l'expression d'une experience que vous pensiez personnelle. Jaynes va en effet s'efforcer de briser toutes nos idées reçues sur l'origine de la conscience en s'appuyant sur un mélange d'expériences individuelles communes à tout être humain et de recherches cliniques, beaucoup de ses idées étant empruntées à l'école béhavioriste. C'est à cette entreprise de démolition que sont consacrés ces deux premiers chapitres. Sans faire de sentiment l'auteur démontre que cette conscience de soi que nous prisons tant ne joue qu'un rôle relativement réduit dans le paysage de notre mentalité : elle n'est ainsi pas nécessaire pour l'apprentissage de savoirs-faire ou de concepts nouveaux ; le raisonnement ou la solution de problèmes s'effectuent aussi dans la plupart des cas sans son intervention. Ainsi apprenons-nous à jongler ou à conduire une voiture : non seulement n'avons-nous pas besoin d'être conscient de ce que nous faisons au moment où nous le faisons, nous découvrons bientôt qu'en essayant de l'être nous empêchons le bon fonctionnement des automatismes qui rendent ces actions possibles. Ultimement, la conscience, telle que Jaynes la voit est un phénomène qui ne s'occupe pas du processus présent. Elle analyse des phénomènes passés ou s'occupe de prévoir les problèmes futurs. C'est qu'elle est d'après lui un phénomène purement verbal, issu du langage et de l'utilisation de métaphores, et qui n'est pas vraiment différent de la capacité spécifiquement humaine de raconter des histoires. De la même façon que nous créons des métaphores de situations anciennes pour comprendre les situations nouvelles auxquelles nous sommes confrontés, nous créons dans notre esprit une métaphore de nous même (qu'il appelle un " analogue-Je " ) que nous confrontons à des images de situations futures ou passées.<br /> Ce moment où il réalise que la conscience doit avoir une origine langagière, Jaynes le décrit ainsi : une expérience comparable à celle que peut éprouver un homme qui, dans une fête foraine, arrive au sommet de la grand' roue et entame la re-descente. La structure de la roue qui jusqu'alors le soutenait et s'étendait devant lui disparaît tout d'un coup de son champ de vision et le voici comme projeté en plein espace. En effet, en quelques lignes, Jaynes détruit la plupart des idées reçues (y compris au sein de sa propre profession) sur la nature et l'origine de la conscience. Celle-ci était la plupart du temps considérée comme une qualité apparue lors de l'évolution des mammifères et présente, avec différents niveaux de complexité, chez ceux-ci. Mais, si au contraire elle n'a pu naître qu'avec l'acquisition du langage (et un langage évolué, pas la forme rudimentaire et dépourvue de syntaxe que certains chercheurs ont pu enseigner par exemple à des chimpanzés), elle devient alors un trait spécifiquement humain. Pire encore, il devient possible de conjoncturer l'existence à un moment donné d'homo sapiens dépourvus de conscience d'eux-mêmes…<br /> Ce livre qui n'était jusque là que vaguement inquiétant devient alors positivement effrayant. Jaynes se met à chercher dans l'histoire et principalement dans la littérature de notre espèce les preuves de sa théorie. Et il en trouve à foison. Il n'est pas ici notre intention de résumer ce livre en entier mais qu'il suffise de dire que sa lecture de l'Iliade est un challenge jeté à la face de générations d'hellénistes et ce n'est rien à coté de sa vision des sociétés sumériennes ou de l'Egypte antique. Quant à son interprétation de l'Ancien Testament…<br /> Parmi tous les témoignages de ces civilisations enfouies, Jaynes trouve donc des preuves de ce qu'il appelle l'esprit bicamériste, l'état spirituel de l'homme avant l'avènement de la conscience et qui, nous dit-il, présente de remarquables similitudes avec celui des schizophrènes de notre époque. Une réalité hallucinatoire où toutes les décisions auxquelles un homme ou une femme pouvait faire face étaient prises par les voix fantasmées de dieux, d'ancêtres ou autres figures investies d'autorités, naissant dans l'hémisphère droit, non verbal, des individus dépourvus de conscience ; ces individus " bicameristes " rationalisant les instructions de cette part de notre cerveau plus apte à résoudre des problèmes, à lire les situations, les visages et les intentions, de la même façon, peut-être, que nous avons tendance de nos jours à rationaliser ces mêmes instructions comme étant les produits de notre conscience alors que celle-ci ne serait qu'un moyen plus efficace de les intégrer dans notre activité mentale.<br />
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